
Yinka Shonibare illumine la Fondation H
- Rédaction
- 14 avril 2025
- Découverte
- Culture261, Madagascar
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Jeudi 10 avril, dans la soirée, le quartier d’Ambatomena était en effervescence. Artistes, personnalités politiques et chefs d’entreprises arboraient tous un sourire, malgré une pluie torrentielle qui s’abattait sur la ville. Ils attendaient ce moment depuis longtemps : le vernissage de la nouvelle grande exposition de la Fondation H. L’attente en valait la peine, car cette installation accueille l’immense artiste nigérian-britannique Yinka Shonibare pour sa toute première exposition en solo sur le continent africain, et cela jusqu’en février 2026. Une véritable fierté pour la Fondation H, que le public partageait en venant découvrir l’un des artistes les plus emblématiques de notre époque. Intitulée « Safiotra [Hybridités/Hybridities], l’exposition retrace les 20 ans de carrière de l’artiste à travers une vingtaine de ses œuvres les plus célèbres.

Avec cette exposition, Yinka Shonibare, 62 ans, aborde un sujet qui caractérise notre monde actuel : l’hybridité, ou la fusion de deux identités pour créer une nouvelle entité tout en préservant leurs caractéristiques distinctes. Les œuvres exposées dans les 2 000 m² de la galerie sont ainsi multicolores, multiformes et composées de matériaux variés. Mais l’une des caractéristiques majeures des créations de Yinka Shonibare reste l’omniprésence du tissu wax, lui-même un symbole d’interculturalité depuis son origine. Ce tissu, fabriqué en Hollande à partir de motifs indonésiens, fut finalement vendu en Afrique de l’Ouest, où il devint rapidement très populaire sur tout le continent. L’artiste s’attache ainsi à démontrer cette interdépendance historique et contemporaine entre les humains, êtres hybrides de cultures et d’identités mixtes, sans être confinés à l’une ou l’autre.

Artiste engagé :
Ironiques, voire provocatrices, les trois œuvres issues de la série intitulée « Decolonized Structures » répliquent les statues colossales de Winston Churchill, de la reine Victoria et de Kitchener, que l’on retrouve dans les villes européennes, en versions réduites à hauteur d’homme. Ces œuvres dénoncent l’hypocrisie d’accorder la gloire à ces « grands hommes », en minimisant la soumission de l’Afrique. Yinka Shonibare rétablit ainsi l’histoire avec son œuvre la plus connue, « The African Library » composée de 6000 livres recouverts par le wax et qui retracent chacun l’histoire d’une personnalité africaine ayant contribué à l’émancipation de l’humanité.

Yinka Shonibare dénonce également l’imposture de notre monde actuel, marqué par le consumérisme à outrance et l’extraction sans éthique des terres rares et des ressources naturelles, au détriment de l’environnement et de l’humanité. L’artiste plaide également pour la reconnaissance des arts africains, la restitution des trésors culturels pillés durant la colonisation à leurs terres natales, et l’égalité entre les hommes, car « il n’y a plus de ‘nous’ et de ‘eux’ ». Selon lui, l’hybridité nous concerne tous car nous assumons tous le métissage et notre diversité. Ainsi, son discours résonne comme une réponse aux postures de certains dirigeants mondiaux et aux actualités de ces derniers mois, replaçant l’Afrique en position de force et de proposition.

Avec cette troisième grande exposition, « Safiotra [Hybridité/Hybridities] », la Fondation H tient ses promesses de devenir le porte-étendard de l’art contemporain africain. La présence de Yinka Shonibare sur place, ainsi que l’effort logistique nécessaire pour mettre en œuvre cette exposition, envoie un signal fort aux artistes mondiaux : la Fondation ne déroge pas à son engagement.