RAZANA. un film qui chamboule les mœurs
- Rédaction
- Critique, Culture261, Film, Madagascar
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Razana, le film de Haminiaina Ratovoarivony est l’un des films malgaches de ces dernières années qui méritent une attention particulière, tant par rapport à ses propos que ses réalisations techniques. Réalisé à Madagascar et sorti en salle en 2017, il est l’un des rares films de fiction malgaches sélectionnés dans le cadre de la 13e édition du festival panafricain Rencontres du film court de Madagascar.
Rien qu’à travers son titre, Razana suscite le débat dans sa traduction. En effet, le mot malgache Razana a diverses significations. Il peut être traduit par « dépouille mortelle » mais aussi par « ancêtre ».
Sociologue de formation, le réalisateur malgache a choisi la seconde signification de ce mot. Dans son synopsis, le film Razana se résume ainsi sur Africiné : « Les mains frêles de Solo serrent une urne contre sa poitrine. À la demande de son défunt compagnon, il rentre à Madagascar pour remettre les cendres de son partenaire au père de ce dernier. Un beau-père malgache traditionaliste et conservateur qu’il n’a jamais rencontré et qui ne souhaite pas sa venue … »
Le film traite ainsi du thème de la mort avec un regard malgache et aussi une approche globale. Premier constat, Haminiaina a, cette fois-ci, beaucoup travaillé sur les symbolismes. Avec Razana, il a opté pour un film hautement culturel, qui parle de la place de la mort dans la culture malgache actuelle. En premier lieu, le fait que la dépouille mortelle ait été incinérée soulève déjà des questions culturelles mais surtout anthropologiques, car comme on le sait, le peuple malgache a des origines différentes. À bien des égards, les malgaches n’ont pas hérité de ce rite funéraire. Le film met ainsi deux cultures contradictoires, celle du père en deuil qui a perdu un fils dans un pays lointain et celle du jeune compagnon de ce dernier. Au-delà de cette pratique funéraire donc, il est légitime de poser la question si un mort qui a été incinéré devient un Razana, dans sa conception malgache d’Ancêtre.
Secundo, Razana est aussi un film qui confronte le public aux grandes questions culturelles et sociales mondiales actuelles. En effet, la mort lui sert simplement de prétexte pour aborder d’autres sujets épineux dans les débats sociaux, de nos jours, tels que notre approche par rapport à l’homosexualité.
À l’heure des Gay Pride et de la dépénalisation de l’homosexualité dans plusieurs pays occidentaux, Haminiaina, qui vit actuellement aux États-Unis, apporte son point de vue plus tolérant que celui de la société malgache. Cela ne change en rien le cours de la trame, mais le réalisateur de Malagasy Mankany a tenu mettre en évidence cet aspect dans ce film par pur engagement. Ce besoin de s’engager lui est venu suite à la rencontre avec un de ses compatriotes homosexuels dans son pays d’exile. L’expérience de ce dernier, surtout son exclusion par cette société malgache conservatrice, l’a inspiré.
C’est aussi un film qui s’engage en faveur de la protection de l’environnement. Il ne se contente pas de faire des discours mais montre, à travers l’action, la bonne voie dans cette lutte mondiale, surtout pour un pays reconnu pour sa biodiversité comme Madagascar.
Malgré le conflit de générations ambiant qui anime les propos du film donc, Razana est tout simplement un film qui se veut être bienveillant envers l’homme. Il prône la réconciliation entre les hommes et son environnement. Il repose ainsi son espoir sur la génération future à laquelle il veut léguer ces valeurs. Ses propos sont d’autant plus mis en valeur grâce à une parfaite qualité de l’image et à la bonne maîtrise du dispositif filmique.
Si les spectateurs remarquent la quasi absence de dialogue, un exploit rare de Gégé Rasamoely qui joue le rôle de père de famille, ils ne peuvent pas être indifférents aux musiques de fond qui rythment ce film et qui apportent une douceur à l’œuvre, mais qui aident aussi à sa compréhension. Celles-ci ont été créées par Môta Soa exclusivement pour ce film.
Razana est donc un film malgache qui s’inscrit dans son temps et qui ose poser les questions de société de son époque. À travers ce film, Haminiaina Ratovoarivony démontre que l’art est un moyen efficace, non seulement pour faire exister et matérialiser une idée, mais également pour véhiculer une vision du monde.