Nantenaina Fifaliana : « Il ne faut pas avoir peur de se faire mal quand on fait un film »
- Rédaction
- Cinéma, Culture261, Film, RFC12
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Ça y est, on connait désormais les films sélectionnés pour les Rencontres du Film Court de Madagascar 12e édition. Parmi ces films courts en compétition pour cette nouvelle édition de ce festival international de Madagascar, il y a Fako Io de Fifaliana Nantenaina dans la catégorie Compétition Zebu d’or Documentaire National. Le réalisateur fait partie de ces jeunes cinéastes malgaches qui réussissent dans le milieu. Avec deux films à son actif, Anay ny lalana, 2013, et Fako Io, 2017, le jeune homme est en pleine action.
– C261: Ton film Fako Io est sélectionné au RFC 12. De quoi ce film parle-t-il ?
* Fifaliana : Fako io, il faut le lire vite et comme nous les gasy on avale les dernières lettres, ça donne FAK’IO, est mon deuxième bébé en tant que réalisateur. Fako Io raconte juste une histoire toute bête qui met en relation les déchets plastiques, le zébu et les cressons. C’est un film tout simple qui met en avant ces trois objets. Ce film peut être qualifié de minimaliste car j’ai vraiment limité la présence humaine : pas de voix off, pas de témoignage, pas de personnages humains, c’est au spectateur de prendre le film comme il le sent. Le film dure 10 minutes et a été tourné à Madagascar. Il est en couleur.
– Réaliser un film est le rêve de tous les jeunes de nos jours, mais très peu y arrivent. D’après tes expériences, que doit-on faire pour réussir dans ce milieu ?
* Je travaille dans la vidéo depuis plus de six ans mais je suis plus connu pour mon premier film Anay ny Lalana produit avec Endemika Films. Pour faire Fako Io, je me suis lancé dans l’autoproduction, et je suis quand même assez satisfait du résultat. Je pense créer ma boite de production audiovisuel, j’aime travailler avec les jeunes de mon âge et surtout travailler dans les projets de développements , faire des petits films pour les ONG, on essaie de créer aussi des petits vidéos sympas pour des amis qui se lance par exemple dans le domaine du stylisme ou du mannequinat. Cela veut dire que je prends mon statut de cinéaste comme un vrai métier sans omettre le côté fun.
Je pense que le blocus se trouve pour la plupart des jeunes cinéastes dans la peur de mettre sur papier leur scenario, ou leur idée de film. Tant que c’est dans la tête, ce n’est qu’une idée que toi seul peut voir et imaginer. Il faut le mettre sur papier. Ecrire le film est une étape sine qua non dans une production.
Puis il y a ce sentiment de se sentir seul dans ce domaine. Beaucoup de jeunes éprouvent cela. Je leur conseille l’aller sur facebook, recherche des groupes dans ta ville qui parlent de cinéma, il y a déjà plein de groupes de ce genre sur facebook et maintenant il y a quelques associations pour le cinéma malagasy.
Côté matos, je suis toujours confronté à ces « Je n’ai pas de matériel adéquat pour faire un film » tandis que d’autres utilisent leur téléphone et arrivent à faire un film. L’important, c’est de pouvoir raconter une histoire. Si tu arrives à raconter une histoire et tant que ton histoire se raconte par des images et du son, il y a de quoi déjà faire un film.
Il y a plein de jeunes talentueux ici, il ne faut pas avoir peur. Allez-y, essayez. Crashez-vous, il ne faut pas avoir peur de se faire mal. Si tu manques d’expériences, assiste à des tournages, vois comment ça marche. Moi même si on m’appelle pour assister ou aider à un tournage, je viendrais. Si je ne sais pas comment faire un clip par exemple, je chercherais quelqu’un qui tourne un clip et je demanderais si je peux assister au tournage. Et vice versa, j’invite aussi des amis qui veulent s’initier au documentaire pour m’assister au tournage ou au montage du film. C’est ce qu’on a fait avec Fako Io. La plupart du temps, j’étais tout seul sur les lieux de tournage avec les matos son et vidéo, mais en coulisse, je discute et fais regarder mes rushes à des amis qui me disent ce qu’ils en pensent.
Et surtout, il faut regarder beaucoup de films, les analyser, essayer de les regarder à plusieurs, parler entre vous, lire les critiques des films. D’ailleurs, à l’IFM il y a toujours des projections gratuites. Regardez même si vous trouvez que le film ne vous plait pas.
– À voir le chemin que tu as déjà parcouru, est-ce qu’on peut dire que tu as trouvé ton sujet de prédilection, un créneau dans le cinéma : l’homme et la nature ?
* Oui, avec Anay ny lalana, qui a une belle vie dans les festivals internationaux, je me suis penché sur la relation humaine liée au travail. Voir Dadakoto qui est l’acteur principal de ce doc, un homme âgé de 70 ans qui continuait à bosser ça m’a donné une claque énorme qui a fini par me motiver.
Maintenant avec Fako Io, on s’est beaucoup amusé avec ce film. On est allé se patauger dans les rizières boueuses qui sentaient mauvais, jusqu’à préparer un plat pour avoir un plan dans le film.
Cette fois-ci, ma réflexion est : que serait l’homme sans la nature? On fait partie de la nature. Je pense que dans Fako Io, montrer les dégâts que nous causons avec nos plastiques jetés n’importe où sans se rendre compte des conséquences était mon but. Et au milieu de ce désastre, l’Homme essaye toujours de trouver des moyens d’esquiver la catastrophe. C’est cette idée de débrouille qui ressort malgré les problèmes que je montre dans le film.
Je ne dirais donc pas que c’est un créneau. C’est plutôt un choix. Ainsi, quand je prépare un film ; je priorise la relation humaine avant d’appuyer sur le bouton Rec, j’essaye de connaître et de comprendre les personnes avant de les filmer.
Fin de la discussion