CRITIQUE CINE| R+3 : la longueur de l’exposition pénalise l’horreur
- Rédaction
- Cinéma, Culture261, Madagascar, Malagasy
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Produit par la maison M’ipôly Production, écrit par Kalolahy Givennio et coréalisé par Patrick Ramangason et Franck Dix, rien qu’à voir l’affiche, R+3 (2h10, 2023)s’affirme comme un film d’horreur.
L’œuvre raconte l’histoire d’une série de meurtres impliquant des étudiants résidant au campus universitaire de Barikadimy à Toamasina. Une malédiction provoquée par le suicide de Kévin, un étudiant timide qui a impulsivement mis fin à ses jours après qu’il a découvert que Laura, la belle jeune fille qu’il aime en secret, est conquise par un autre : Thomas. Une sorcière propose à cette dernière une opportunité de conjurer le sort : Laura devra voyager dans le passé et empêcher Kévin de voir la scène où elle est avec Thomas dans un appartement de R+3, le bâtiment de trois étages du haut duquel Kévin, rongé de chagrin, s’est jeté dans le vide.
Cet incident déclencheur pose problème au film. D’abord, il semble mélodramatique que la déception amoureuse de Kévin lui pousse à un tel acte, aussi fou amoureux en secret de Laura soit-il. Mais l’erreur la plus manifeste du scénariste est d’ordre structurel. Ce qu’il y a de plus courant pour un film de 2 heures est de placer l’incident déclencheur au cours de la première demi-heure. Or, dans R+3 le suicide de Kévin survient près du milieu du long métrage. Un retard qui n’est pas sans conséquences négatives. Il en résulte une perte d’intérêt car l’exposition dure trop longtemps avec des intrigues secondaires qui n’en finissent pas. Autrement dit, l’histoire met trop de temps à démarrer. Le développement qui s’ensuit souffre quant à lui d’une profusion d’actions qui ne dissipent pas l’ennui tant elles sont saturées et parsemées d’incohérences. L’unité du genre s’en trouve également affectée. Ce n’est que dans la deuxième heure que R+3 s’affirme explicitement comme un film d’horreur avec une touche fantastique, la première heure ressemblant davantage à un teen movie.
Côté son, la musique utilisée dans R+3 créé une expérience cinématographique immersive et angoissante. L’immersion, le réalisme et l’impact émotionnel sont toutefois compromis par le manque de son d’ambiance et l’enregistrement en studio des dialogues, dialogues dont l’emploi de la langue française n’est pas justifié, notamment dans les scènes où Laura discute au téléphone avec sa mère et sa sœur. Les images bénéficient d’un éclairage sombre et contrasté qui contribuent à créer une atmosphère lugubre et oppressante. Les blessures et cicatrices des personnages sont convaincantes de réalisme grâce à l’expertise de la SFX makeup artist Alicia Edelle. Cependant, les effets spéciaux et certains éléments de décor détonnent et peinent à s’intégrer efficacement dans le film. Beaucoup de travail reste également à faire au niveau de la direction de certains acteurs.
Malgré ces nombreux problèmes dans le scénario et la réalisation, on peut admirer l’énorme effort accompli par les équipes de M’ipôly Production. On peut imaginer les difficultés qu’ils ont rencontrées, que ce soit au niveau du budget ou des autorisations de tournage nécessaires, mais ils ont tenu à aller jusqu’au bout. De plus, ils jouissent d’un bon accueil du public. Actuellement projeté au Cinépax Madagascar à Ambodivona, R+3 a déjà enregistré plus de 1200 entrées. Une suite intitulée R+3 Part 2est prévue pour cette année 2024. « En dévoilant son sombre passé, Julien déchaine une malédiction qui le pousse à causer du tort à ses proches » résume le synopsis.
Aina Randrianatoandro
Critique de cinéma
Un des membres fondateurs et membres du bureau de l’Association des Critiques Cinématographiques de Madagascar (ACCM)
Membre individuel de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI)