Cet article est une reprise des écrits de nos amis chez Buskers Magazine, avec le soutien de Libertalia Music Award.
(Ndlr) L’article a en effet le mérite d’être publier sur notre site qui prône la diversité culturelle et la le sauvegarde de notre patrimoine artistique. Certes, la musique rock est très différente de nos salegy et de nos tsapiky traditionnels, mais force est de constater que ce genre de musique occupe une place privilégiée dans le milieu artistique malgache.
Cet article rend hommage également à ces artistes, rockers qui la plupart sont inconnus du grand public mais qui ont façonné à travers le temps le paysage culturel par leur passion. Car le rock n’est pas seulement une musique, c’est surtout un état d’esprit, une manière de penser, un style de vie. Si aujourd’hui, cette musique a ses fans, c’est justement grâce au leitmotiv « Revy sy Vola ary Rock’n Roll ».
Si l’histoire du rock malgache vous intéresse en particulier, nous vous recommandons de suivre la page facebook Le Musée du Rock Malgache.
Si l’histoire du rock a été déjà institutionnalisée dans les pays anglo-saxons, elle demeure un objet d’étude mineur à Madagascar. Toutefois, les travaux de valeur réalisés par les historiens étrangers à l’image de Didier Mauro (Rock in Madagascar, 2015), et des musicologues et journalistes malgaches tels que Randy Donny et Anjara Rasoanaivo (Le rock à Madagascar, 2015) permettent de remonter dans le temps afin de comprendre les évolutions historiques de ce courant musical au pays. S’ajoutent à cela les discussions menées avec les artistes (Vahombey) et le public ayant permis de recueillir des éclaircissements par rapport aux origines et à l’épopée du rock malgache. Pleins phares.
Années 50-60 : Tout a commencé avec les disques 45 tours
Enfant du blues, le rock se caractérise par un rythme binaire et un tempo relativement soutenu. La naissance du rock à Madagascar a été prédite dans les années 50, avec la venue des disques 45 tours. Si la majorité des oeuvres de l’époque était déclinée du jazz, les albums de Billy Haley, Gene Vincent et Elvis Presley ont permis au rock de trouver son terreau parmi les mélomanes. Au début des années 60, des musiciens ont commencé à jouer des chansons de rockers étrangers durant les galas de chants. Dans un réseau d’auteurs et compositeurs non-réticents aux emprunts culturels, l’impact de cette musique a inévitablement généré des créations locales : « Bao » interprété par Ny Railovy et « Hey Baby » de Johacin Randrianarisoa sont considérées comme les premières chansons malgaches à tendance rock.
Simultanément à l’étranger, la génération dite « Yé-yé » a cartonné dans le circuit des musiques francophones, menée par des groupes originaires de Madagascar : Les Pénitents (pionners de la vague Yé-yé en France), Les Surfs (avec les titres « Reviens vite » et « Si j’avais un marteau » en 1963), et Les Safaris.
Années 70 : L’avènement des pionniers du rock malgache
Lorsque l’on évoque les évolutions historiques du rock à Madagascar, les années 70 constituent une étape clé. Cette période a été marquée par l’arrivée de nouveaux rockers plus marginaux dans leur conception et leur façon de jouer du rock : The Pumpkins, The Black Jacks, The Sparkling Rivers, etc. Musicalement, les sons éléctrisés ont été intensifiés, des effets ont incorporés au son de la guitare. Du côté des textes, les cas sociaux et les injustices ont été mis au jour. Cependant, cette formule n’était pas efficace auprès du public populaire. Financièrement, le marché du rock n’était pas pas rentable : les disques étaient difficiles à écouler et les concerts n’attiraient pas beaucoup de monde . Pour valoriser leur talent, les musiciens devaient plutôt animer des bals. Jusqu’à la fin des seventies, le rock malgache est resté dans l’ombre, se perpétuant dans un cercle restreint de passionnés.
Années 80 : « Mozika mavesatra »
L’apparition de Doc Holliday a changé la donne à l’aube des années 80. Fondé à Toliara, ce groupe s’est approprié le rock tout en perpétuant l’identité culturelle malgache. L’originalité des mélodies et l’énergie émanant de leurs chansons leur ont permis de gagner une certaine côte de popularité. Le succès de Doc Holliday a ensuite provoqué l’apparition d’une nouvelle vague de rockers évoluant vers un son « mavesatra » ou « lourd » d’une part, dont Tselatra, et s’orientant vers des tendances Pop Rock ou Variétés Rock, tels que Iraimbilanja ou Kiaka, d’autre part.
A mi-chemin vers les années 90, la diversification des albums étrangers sur le marché a permis les « puristes » de découvrir les sous-genres du Hard Rock (Death Metal, Black Metal, Heavy Metal, Neo Metal,Trash Metal, etc.). Les premiers groupes de Metal se sont formés : Kazar, Men Out et Lokomotiva.
La majorité de l’audience quant à elle s’est laissée emportée par la génération Slow Rock et Pop Rock. Des tensions sont alors apparues entre les aficionados de la scène dite « underground » et des adeptes du rock dit « commercial ».
Années 90 : La génération alternative
La première moitié des années 90 a vu l’essor du Metal dans l’underground, avec l’avènement de Red Metal, Black Wizard, Orthodox, Cherokees, Martz, Holocaust, etc. Vers la milieu des années 90 à l’orée des années 2000, l’évolution du rock à Madagascar s’est accélérée grâce à l’arrivée des nouvelles technologies de communication et à la mondialisation du rock de la nouvelle vague extérieure (Nirvana, Red Hot Chilli Peppers, Offspring, etc.)
Du côté de la scène, les musiciens découvrent le Punk, le Grunge et le Rock Alternatif. L.A Doudh, Menalotsa, INN (Inaudible Negative Noise), Tsiok’ampita, Sweety Punk, figurent parmi les ambassadeurs la New Wave locale. Premier groupe de rock malgache féminin, Dillie fait son apparition. Jusqu’à l’aube des années 2000, bon nombre des jeunes rockers malgaches évoluant dans la scène underground se sont inscrits dans le courant du Protest-Song, dénonçant les impacts d’un « progrès sans conscience » (concept évoqué par Vahombey).
Du côté des médias, des émissions spécialisées rock ont été intégrées à la programmation des radios FM d’Antananarivo et des provinces : Kotaba sur Alliance FM, Prise Multiple sur Radio Tana, Metalin’Ny Antsiva sur radio Antsiva et Heavy Plus sur la station Fréquence Plus Tana. Initiée par Randy Donny, l’association « Stone Press » est fondée, regroupant les chroniqueurs rock et les responsables des rubriques rock dans la presse écrite. A son actif, elle compte l’organisation du festival Big Rock ayant suscité la polémique auprès des gérants de salles de concert : les infrastructures du Roxy Antananinarenina ont été gravement endommagées par les rockers durant l’évènement…
Années 2000 : La génération androïde
Durant les années 2000, l’évolution du rock malgache a été fortement influencée par les médias et internet. La musique s’est métamorphosée au fil des tendances menées par des groupes anglophones : Blink 182, System of a down, Linkin Park, etc. Du Pop Rock au Metal, en passant par les variantes du Punk, les genres ont trouvé leurs adeptes au coeur d’un mouvement devenue cosmopolite.
Du côté de l’underground, de nouveaux groupes sont nés dans les studios cultes : Bayard à Mahamasina, Ideal Sound à Ambondrona et Samar à Isoraka. A l’époque, l’interprétation des oeuvres de groupes étrangers étaient en vogue, au détriment de la création musicale. Dans un univers musical réticent aux emprunts culturels non-créatifs et à l’amateurisme, cette démarche a entraîné une vague de critiques de la part du public et des promoteurs.
Toutefois, quelques bands mieux organisés se sont démarquer du lot : Rheg (fondé en 1999), Iary, Good For Nothing, Outline, Trinity… Le courant alternatif s’est également perpétué avec Beelte Juice et UXT, qui sont parvenus à se produire à l’île de La Réunion.
Du côté des promoteurs, l’émission Kapilarock sur RTA Radio devient la référence pour la nouvelle génération de rockers. Après une longue période de mésentente entre les gérants de salles suite aux incidents du festival Big Rock, les concerts indoor ont été repris : New Scene à la RTA Ankorondrano et Mozika Vaovao au Centre Culturel Albert Camus (actuellement Institut Français de Madagascar).
Du côté de la scène commerciale, le Pop-Rock cartonne dans les charts musicaux. Fondé en 2001, Ambondrona connait une ascension fulgurante grâce aux titres Sao heverinao Adala, Tsy Hay, Naleony, etc, avant de signer avec la maison de production Dosol.
Des chansons qui sont aussi traduites en Anglais afin de conquérir un public anglophone lors de des concerts à l’étranger, surtout aux Etats Unis.
Années 2010 : En route vers l’international !
A partir des années 2010, le rock malgache passe à une nouvelle étape de son évolution. L’underground groove au rythme des groupes de Metal et de Core comme Black Pearl, Dark’ Inside, Behind The Mask, Allkiniah, Seth, Behind The Scene, Step to Heaven, etc. L’alternatif se perpétue auprès d’une minorité de passionnés, bien que les groupes de Grunge et de Garage Rock comme The Mountain Flowers, No Mady ou VDK aient du mal à se faire entendre.
En 2014, The Dizzy Brains bouleverse l’évolution du rock malgache en parvenant à percer dans le circuit des musiques internationales. Avec le soutien du label Libertalia Music Records, le groupe parvient à se produire au festival Trans Musicales de Rennes. Les producteurs sont séduits par l’EP « Vangy ». En 2016, The Dizzy Brains sort un nouvel album intitulé “Out of cage”.
Le désir d’échapper à l’oppression à Madagascar sera vite concrétisé : pendant huit mois, les DB partent en tournée à travers la France, jusqu’en Corée. En décembre 2016, The Dizzy Brains était de retour à Madagascar pour clôturer leur tournée « Finger Up » au Club Antanimena, avec El Dino et Fishy en première partie.