POESIE | Hazel / Fahary : « J’ai voulu porter un autre angle de vue sur l’amour »
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- Culture261, Madagascar, Malagasy, Poesie
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Endossant à la fois le pseudonyme de Fahary au sein de l’Union des Poètes et Ecrivains Malagasy HAVÀTSA-UPEMdont elle et membre depuis 2016 et de Hazel au sein du mouvement slam, Faniry Harifera est une passionnée de musique et de poésie. « Sahoko », son premier recueil de poèmes, a été publié par HAVÀTSA-UPEM dans le cadre de la semaine des poètes en octobre denier. Dotée d’une talentueuse plume pleine de fraîcheur et d’énergie, la jeune poétesse – slameuse bilingue, tout juste âgée de 20 ans, y aborde principalement des thèmes sentimentaux.
Pourquoi ce titre ?
« Sahoko » est un mot malgache. Beaucoup de personnes ont eu du mal à le comprendre car d’habitude on utilise « misahokohoko » qui veut dire littéralement en français « gémir ». Ainsi, « Sahoko », la racine du verbe, signifie « gémissements ».
Dans ce recueil de poèmes, j’ai voulu porter un autre angle de vue sur l’amour. Il est possible d’écrire sur l’amour mais autrement, sans forcément dire « Je t’aime pour toujours ».
On peut par exemple parler des problèmes qu’on peut rencontrer. On peut parler d’un couple au sein duquel l’adultère est mutuellement consenti car cela existe. Et ce n’est pas parce que j’écris « Je t’aime » que je m’adresse nécessairement à un homme. Il se peut que je parle à ma mère, il se peut que je parle à mon chien, il se peut que je parle à une table. Qui sait ? Car il y a plusieurs formes d’amour.
Comment est né ce recueil ?
Je projetais déjà de sortir un livre depuis 5 ans mais ce n’est pas facile de faire les choses. Je ne me croyais pas à la hauteur. Du coup, je procrastinais. Mai en octobre dernier, en prélude à son 70ème anniversaire, HAVÀTSA-UPEM a offert à chacun de ses membres l’opportunité de publier un recueil de poèmes. Chacun de nous pouvait publier 22 à 24 pages de poésie dans un petit livre de poche appelé « Felan-tatamo ».
C’était une opportunité qui était juste passée comme ça et je l’ai saisie.
Comment s’est fait la sélection des poèmes composant « Sahoko » ?
Faute de temps, la grande majorité des poèmes composant ce recueil ont été choisis spontanément sans intention de les disposer suivant un ordre bien précis. Malgré cela, j’en suis tout de même fière vu que cela a quand même donné un certain rendu.
Quel est votre poème préféré dans ce recueil ?
« Salama ! Mba anaovy fitiavana, adiny iray ! » Je l’ai écris et déclamé à Majunga lors de ma première participation à une scène ouverte de slam en province. Ce poème parle d’un homme qui va aller voir une prostituée. C’est un client régulier qui achète de l’amour. Il ne considère pas la prostituée comme une simple marchandise ou objet sexuel. Son propos trahit peut-être un manque d’affection quelque part…
Comment êtes vous devenue poétesse – slameuse ?
De base, je pense que c’est issu de la famille car il y a beaucoup d’écrivains dans ma famille. En 2016, ma mère m’a emmené voir une exposition d’HAVÀTSA-UPEM et m’a quasiment obligé à entrer dans le monde de la littérature. Avant, je n’écrivais que pour moi, je ne voulais pas être publiée. Après mon inscription à HAVÀTSA-UPEM, je commençais à considérer ce cercle littéraire comme ma deuxième famille. Du coup, je commençais vraiment à écrire dans la perspective d’être lue et publiée.
Cependant, la poésie est un art assez restreint à Madagascar. On ne peut pas s’exprimer librement car il y a une certaine image à garder. Il est convenu qu’à travers son œuvre, le poète doit refléter la société mais il doit également être un guide pour la société, un éducateur en quelque sorte. Et d’après moi, cette attitude du « politiquement correct », même si elle est utile, constitue quelque part une entrave à la créativité.
Je ne pourrais par exemple pas représenter les voleurs dans un poème et affirmer que c’est bon de voler car c’est un acte immoral condamné par la société. Quand j’ai découvert le slam, j’ai remarqué qu’il y avait une grande liberté d’expression dans ce mouvement. On peut s’exprimer plus librement, on peut dire ce qu’on pense, ce qu’on veut, quasiment comme on le désire. Je suis devenue slameuse car j’avais soif de cette liberté. Ma première participation à une scène ouverte de slam date d’avril 2020. C’était chez feu Boule à Ampandrana et c’était fantastique.
Quel est l’évènement culturel qui vous a marqué le plus durant cette année 2021 ?
Le premier concert que le groupe Mahaleo a donné en prélude à la célébration de son 50ème anniversaire. C’était le 7 novembre dernier à Antsahamanitra. J’ai été ravie et honorée d’être parmi les personnes invitées par Dama et Bekoto pour contribuer à la deuxième partie du concert. J’étais montée sur scène pour interpréter deux chansons : « Efa ela » et « Salanitra ». Certes, partager la scène avec ce groupe légendaire est un rêve accompli. Mais ce qui a fait vraiment que ce moment soit magique, c’est la date du 7 novembre qui coïncide avec l’anniversaire de ma mère.
Quels sont vos projets ?
Actuellement, je travaille sur une version longue et plus étoffée de « Sahoko ». En parallèle, avec des musiciens, je projette de faire quelques cabarets similaires à celui qu’on a déjà fait au restaurant L’Excelsior Antsahabe il y a quelques mois. On l’a nommé « Poé’zik ». Le concept consiste en un mélange de poésie et de musique. Il y aura du spoken word, des covers, et peut-être que j’interpréterai aussi quelques unes de mes propres compositions. Actuellement, on réfléchit encore sur les endroits et sur les dates. On publiera les affiches quand tout sera fixé.
Propos recueillis par Aina Randrianatoandro