Une commémoration qui s’est passé presque inaperçue, pourtant elle revêt un aspect multidimensionnel dans l’histoire de Madagascar. L’alphabet malgache moderne a 200 ans.. Le 26 mars 1823, Radama premier (1910-1928), roi de l’imerina, reconnu roi Madagascar plus tard, a décrété que l’alphabet malgache sera désormais écrit avec les caractères latins. Cet alphabet est composé de 21 lettres. Les lettres C, Q, U, W, et X qu’on retrouve dans les autres alphabets du même registre, sont absentes.
Ce décret royal marque une rupture dans l’histoire de Madagascar. En effet, jusqu’au temps d’Andrianampoinimerina, l’écriture de la langue malgache, du moins dans les principaux royaumes constituant la Grande Ile, était le Sorabe. L’adoption des lettres latines pour écrire malgaches est ainsi considéré comme une révolution, un sacrilège, voir une trahison envers la tradition auprès de la noblesse à l’époque
Le Sorabe est à la fois les manuscrits sacrés que les migrants arabes, musulmans, ont apporté quand ils se sont installés dans le nord et dans le sud-est de Madagascar. Il désigne également une écriture que ce peuple utilisait depuis le XVe siècle.
Mais seuls les aristocrates Antemoro maitrisaient encore et ont adopté cette écriture. Les textes sont rédigés en langue arabe, en langue malgache et en un dialecte particulier arabico malgache sous forme de lignes de lettres et de chiffres, de lettres isolées, de signes ésotériques, et des carrés magiques. Son aspect religieux limitait ainsi l’appropriation de ce type d’écriture, car le manuscrit renfermait des connaissances ancestrales qui remontent même selon certaines études jusqu’à l’origine de l’Islam. Radama, comme il était désigné pour succéder à son père, apprenait le sorabe.
Une fois devenu roi, il a placé le prince lettré Antemoro Andriamahazonoro comme conseiller. Il suivait également des cours auprès de ses conseillers étrangers pour maitriser l’alphabet latin. Le sergent français Robin, fidèle conseiller militaire du roi lui a appris le français, tandis que James Hastie, missionnaire anglais, lui a initié à l’anglais.
Mais les Français lui refusaient la reconnaissance de son royaume, chose faite par les Anglais dès 1817 et concrétisée en 1820. Avec cette reconnaissance, le roi se trouvait dans une situation géopolitique tendue entre les deux puissances étrangères qui était déjà à sa porte. Pour préserver son royaume et pour accélérer les réformes qu’il souhaite mettre en place sur le plan économique et diplomatique, le souverain a opté pour le système latin, plus logique pour discuter avec les forces économiques et militaires. Il ordonna alors que l’écriture de la langue malgache suit les règles du français mais les lettres se prononce comme l’anglais. L’alphabet malgache est ainsi appelé ABIDY. Des décisions qui reflètent les contextes politiques et diplomatiques de l’époque.
Changement social.
Les missionnaires anglais arrivaient à convaincre Radama I à promouvoir l’éducation. Le roi a donc ouvert la première école de son royaume. L’apprentissage de l’écriture et des connaissances techniques deviennent accessibles aux élites du palais d’abord, puis au peuple. David Jones entama la traduction la Bible en malgache avec l’aide de ses douze élèves nobles choisis par le roi, des recueils de proverbes et kabary ont été édités.
De leur côté, les Andriamahazonoro et Ratsilikanina, princes Antemoro qui occupaient le rôle de conseillers du roi, se sont vus écarté des affaires du palais et deviennent des ambassadeurs.
La culture de l’oralité étant une caractéristique originelle de la culture malgache. L’arrivée de l’écriture a bouleversé la société. Avec l’ouverture des écoles, des nouvelles élites font leur émergence. La plupart d’entre eux ne font pas partie de la noblesse, mais reconnus par leur savoir et leur connaissance.
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Cette normalisation de l’alphabet, ainsi que l’apprentissage de l’écriture ont donné naissance à la littérature malgache. Des poèmes (tononkalo maintimolaly) , des concerts, des texte d’analyse ainsi que des recueil de nouvelles font leur apparition. Comme les premiers lettrés issus des écoles étaient les élèves des missionnaires, leurs écrits étaient fortement inspirés des textes religieux, chrétiens.
Raombana, historien chargé par la cour écrit : « L’un des objectifs principaux de Radama, auquel il se montrait vivement attaché, était le progrès de son peuple par l’instruction […] C’est pourquoi il ordonna d’inscrire le plus grand nombre d’enfants dans les écoles et de placer beaucoup […] Lui-même se rendait fréquemment à l’école. Il donnait l’assurance, pour l’avenir, de la faveur royale, gage de promotion sociale. »