Le Kabary : Un art oratoire millénaire qui attire les jeunes

L’Unesco a reconnu en 2021 le Kabary malagasy en tant que patrimoine immatériel de l’humanité. Une reconnaissance méritée selon les chercheurs puisque cet art oratoire occupe une place importante dans le maintien de la solidarité au sein de la société malgache. C’est à travers le kabary que les conflits sont résolus, c’est également avec le kabary que les négociations de toutes sortes sont réalisées et c’est en kabary que les informations importantes se transmettent entre les gouvernants et les citoyens.

Samedi 18 février dernier, dans le cadre de la célébration du 60e anniversaire de l’association des pratiquants de cet art oratoire, Fikambanan’ny Mpikabary Malagasy, Fimpima, diverses manifestations ont été organisées à Analakely, dont une conférence octroyé par Dr Souleman Ibrahim Andriamandimby, afin de sensibiliser la population sur la place du kabary dans la vie sociale et culturelle malgache.

Cette manifestation a permis donc de savoir que, si les historiens ont toujours soutenu que c’est au temps du roi Ratrimo (vers 1150) que le kabary est apparu, une récente recherche anthropologique a démontré que nos ancêtres pratiquaient déjà une forme de kabary il y a plus de 1000 ans, à l’origine même de la langue malgache. Sa qualification de patrimoine est donc tout simplement logique puisque depuis, de génération en génération, la pratique du kabary n’a presque pas changé.

Mais si en 1963, les grands noms du kabary malagasy tels que Samuel Rajhonson, Gaston Ravalison ou encore Celestin Andriamanantena ont décidé de créer l’association Fimpima, c’est pour valoriser la langue malgache et capitaliser les connaissances et les savoirs autour du kabary.

Art oratoire poétisé, agrémenté de figure de style, de proverbes et maximes, le kabary n’est pas seulement un discours « kabary spéctacle » ou une démonstration rhétorique, l’objectif d’un kabary est de retenir l’attention de son auditoire, celui-ci doit être formé sur une structure. Selon le Dr Souleman Ibrahim Andriamandimby, mpikabary et membre de l’association Fimpima, en suivant cette structure, l’orateur perpétue à la fois une tradition millénaire et honore son statut de mpikabary.

C’est ainsi qu’on parle du caractère personnel du kabary. C’est-à-dire que chacun a son propre style. Le kabary fait appel à la personnalité et à la créativité de celui qui le pratique. Un mpikabary qui est habile à la poésie comme Georges Andriamanantena userait donc de ses talents pour agrémenter ses kabary, sans pour autant s’éloigner de la structure traditionnelle d’un kabary. Beaucoup de mpikabary ont créé de ce fait leur propre maxime, dont certaines font même l’objet d’une propriété intellectuelle brevetée.

Ladite structure est composée de huit éléments qui suivent un ordre bien précis :

  • Antso, ou annonce protocolaire,
  • Taridresaka, ou l’introduction,
  • Ala sarona, durant lequel l’orateur explique pourquoi il est obligé, ou il a été désigné à prendre la parole,
  • Azafady, une demande d’autorisation pour prendre la parole,
  • Fialantsiny, demande d’excuse pour les erreurs qui pourrait être faits durant la prise de parole,
  • Hasina, Arahaba, Firariantsoa ou salutations
  • Vetindresaka, ou l’objet du discours
  • Famaranana ou clôture.

Universalité :

Le kabary accompagne chaque étape de la vie d’un Malgache, dès sa naissance jusqu’à ses funérailles. Si le peuple malgache est composé de plusieurs ethnies et communautés, les recherches ont montré que les kabary est pratiqué partout dans chacune d’elles selon toujours Dr Souleman Ibrahim Andriamandimby. La structure reste également à peu près la même. C’est seulement son appellation qui varie selon la région.

Également, si la tradition veut que les rois, les andriana (nobles) et les raiamandreny (ainés), en l’occurrence les hommes, sont les seuls autorisés à prendre la parole, donc à prononcer un kabary, l’évolution de la société actuelle a démocratisé le kabary. Cette évolution répond également à deux objectifs : la vulgarisation de la culture et le sauvegarde de la langue malgache. Les mpikabary ont ainsi cette noble responsabilité de faire vivre et à faire aimer la langue et la culture par son public.

Les jeunes et les femmes sont désormais autorisés à faire du kabary, mais seulement dans certaines circonstances. Ils commencent également à prendre des responsabilités au sein de l’association, à l’instar l’actuelle présidente de Fimpima élue en 2006, Hanitriniaina Ravaomalala. Andriamboavonjy Le kabary attire également diverses personnalités publiques ; le journaliste Gasikara Fenosoa, l’animateur Ankoay et tant d’autres jeunes figures de la scène publique.

Différentes formes de kabary sont aussi promues afin d’attirer les nouveaux membres, selon Dr Souleman Ibrahim, comme le don-tandroka et kapo-tandroka qui consiste à faire confronter deux orateurs. De même, on invite également les jeunes à investir plus la scène lors des séances de sensibilisation dans les écoles. L’association plaide également pour l’introduction du kabary dans les programmes scolaires du ministère de l’Education Nationale afin de le faire découvrir dès les plus jeunes âges. Les éléments constitutifs du kabary tels que les maximes ou ohabolana, les paraboles ou fanoharana et le hainteny contribuent d’ailleurs à la transmission du savoir et de la connaissance.

Ces adaptations et rajeunissement n’enlèvent absolument pas au kabary son statut patrimonial

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