Arija Harijaona : « Beaucoup de producteurs de films malgaches travaillent dans l’informel «
- Rédaction
- Cinéma, Culture261, Madagascar
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Le cinéma malgache est encore dans un état embryonnaire. Arija Harijaona, président de l’Association des producteurs de films malgaches n’est pourtant pas pessimiste quant à l’avenir du secteur. C’est justement pour amorcer ce décollage que 14 autres producteurs de films se sont joint à lui depuis le début de cette année afin d’établir une stratégie d’ensemble, dans le but de permettre aux producteurs d’assurer leur part de responsabilité dans l’amélioration de la production de films malgaches.
Combien de maisons de production de films existent à Madagascar et quels sont les défis que ce secteur fait face?
Il est très difficile d’établir une statistique exacte sur les acteurs et opérateurs dans le secteur à l’heure actuelle. Ceci est surtout causé par le manque de structure de recensement. Pour le moment, Madagascar n’a pas de registre des producteurs, ni des acteurs, ni des réalisateurs qui travaillent dans la production de films. De même, il est aujourd’hui difficile de recenser les films produits ou réalisés à Madagascar, qu’ils soient faits par des structures malgaches, ou qu’ils engagent des structures étrangères.
Pour expliquer cela, il faut aussi regarder l’environnement de l’entreprenariat à Madagascar. Beaucoup d’opérateurs préfèrent travailler dans l’informel à cause de la difficulté à se normaliser lors de la création de leur entreprise.
C’est pourquoi on retrouve un certain nombre de films qui sont sur le marché tout au long de l’année sans qu’ils soient forcément enregistrés auprès des instances de régulation.
Si on remonte un peu dans le temps, dans les années 2000, le public a constaté une diversité des produits. Mais comme les producteurs étaient dans la course à l’amélioration des produits grâce aux avancées technologiques, ces avancées ont aussi permis le piratage qui a également ruiné le secteur.
La régularisation des activités dans la production de films est donc la première motivation pour la création de cette association.
Justement, qui sont les membres de cette nouvelle association des producteurs?
La structure constituante de l’association des producteurs de films malgaches est composée de 15 membres, tous producteurs de films.
Je tiens vraiment à mettre l’accent sur cette définition de production de films afin que tous ceux qui travaillent dans la production d’une œuvre filmique, qu’elle soit destinée au cinéma ou à la télévision, ou encore directement mise en vente sur disque, s’y retrouvent. L’association se veut être rassembleuse et accueillera les opérateurs des longs métrages, des courts métrages, des séries TV et feuilletons, de tout genre : fiction ou documentaire ou animation, et de toute taille.
Notre première mission est donc de convaincre les producteurs de se rassembler. Ce rassemblement permet d’avoir un point sur la table des négociations, que ce soit vis-à-vis de l’administration publique ou des partenaires privés. Nous gagnons plus de légitimité en nous regroupant et en ayant une seule organisation comme porte-parole des producteurs. Cette position de faiblesse du secteur a été observée lors de la négociation sur la loi portant politique nationale du cinéma et de l’image animée. Cela était surtout causé par la disparité des interlocuteurs qui ont fait face aux législateurs.
Nous avons également établi trois objectifs spécifiques pour cette première année : premièrement, le partage d’expériences et d’informations entre les membres de l’association. Deuxième objectif spécifique : la sécurisation des entreprises qui œuvrent dans le secteur. La lutte contre le piratage des films reste donc notre priorité. Troisième objectif : l’incitation des membres à se professionnaliser et à se formaliser afin d’assainir le secteur. Cela implique donc la mise en place du registre des professionnels de la production à Madagascar.
Ceci dit, nous espérons ainsi avoir un élément de réponse à votre question sur le nombre de producteurs de films malgaches d’ici la fin de cette année.
On parle de films malgaches. Comment définissez-vous le film malgache ?
Il est encore difficile, voire impossible pour le moment de donner une identité aux films dits « production malgache ».
Si, ailleurs, on parle de films américains hollywoodiens, ou indiens bollywoodiens, les films de production malgache ont encore difficilement des identités reconnaissables. Pour le moment, chaque producteur tente d’abord de faire de son mieux pour se conformer aux normes techniques.
A défaut d’identité, on pourrait parler de style de film. Les malgaches ont une tradition orale. Nous sommes habitués aux théâtres radiophoniques. Les films populaires ont hérité de cette tradition et de cette habitude du public. Les scripts avec des longs dialogues font donc le succès d’un bon film malgache. Dans les villages campagnards, des stations radio diffusent des films, les plus connus surtout, sans l’image bien entendu, mais le public comprend et apprécie. Mais comme je vous ai dit, on ne peut pas encore dire que ces films sont représentatifs de ce qu’est un film malgache.
On va dire que ce sont surtout les films populaires qui usent de ce style. D’autres producteurs tentent également d’autres styles, surtout ceux qui visent les salles de cinéma ou d’autres canaux de diffusion.
En effet, les salles de cinéma rouvrent leurs portes, pourtant, pourquoi ne voit-on pas des films malgaches dans leurs programmations ?
Je comprends très bien les propriétaires de salles s’ils ne projettent pas des films malgaches, vu la qualité technique des films populaires actuels. Ces films ne suivent aucune norme requise pour une diffusion cinéma. Cela tuerait la vente et entacherait l’image de ces salles. Cela ne veut pas dire que les choses ne s’amélioreront jamais, mais le progrès se fera petit à petit.