Comment la mort influence nos inspirations artistiques?
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- conferenece, Coutûme, Culture261, Funéraille, Madagascar, Malagasy, mort
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La mort confronte l’Homme à de nombreuses questions. Elle fait peur car elle est mystérieuse. Chaque civilisation et chaque société, et même chaque individu, ont ainsi leur propre approche sociologique et culturelle de la mort. Ces approches sont souvent un mélange de traditions, de croyance, de connaissances acquises et du vécu de tout un chacun. Dans sa quête de réponses pour élucider l’énigme derrière cet inconnu, qui nous accompagne dans notre vie quotidienne, chaque société crée une représentation pour la rendre tangible.
L’art y participe beaucoup. Mais la mort est universelle, l’art l’est aussi, seule leur représentation varie. Cette représentation de la mort est façonnée selon les cultures. Mais avant de la rendre tangible, l’Homme l’imagine et la modélise. Pour certains, c’est la fin de l’existence, pour d’autres, il y a une continuité. Ainsi, pour parler de la mort, il faut aussi parler de la vie.
Continuité de l’existence :
La société malgache admet l’existence de la vie après la mort. En premier lieu, dans la culture malgache, chaque individu incarne la continuité d’une vie antérieure. Chacun de nous porte ainsi une part de cette vie ; c’est la lignée, le fiRazanana. Nous avons donc cet héritage en nous, qui nous définit, et qui définit aussi notre existence. La société malgache attend donc de chacun qu’il perpétue cette existence par la procréation. Ainsi, au-delà de la lignée, cette continuité nous impose une responsabilité, celle de faire perpétuer la vie offerte par nos Razana (ancêtres).
Les vivants sont aussi les gardiens des héritages matériels et immatériels qu’ils nous ont légués. C’est ainsi qu’on parle de TanindRazana (terre des ancêtres), un bien que nous avons le devoir de sauvegarder car il nous a été offert, et que nous devons aussi, une fois devenus Razana, léguer à nos enfants. On parle aussi de tradition, cet héritage immatériel qui se transmet de génération en génération.
Mais qui sont alors ces Razana ?
Ce sont ceux qui ont déjà traversé le passage de la vie à la mort. Les « êtres » qui existent dans le monde des morts ont, comme chacun de nous, une responsabilité. Ils veillent sur nous. Mais nous aussi avons des devoirs envers eux, parmi ceux-là, il y a la béatification d’un mort pour qu’il devienne un Razana. Ceci inclut les traditions des funérailles, du deuil. Dans chaque ethnie, les rituels de funérailles et l’observation du deuil varient mais ils ont pour objectif d’aider le mort dans sa traversée pour qu’il devienne un Razana. Dans le sud de Madagascar, on parle d’avilasy.
C’est, en effet, la période entre le décès et l’enterrement du défunt. C’est un moment de tristesse. Cette période est souvent très longue. Pour les grands dignitaires, elle peut aller jusqu’à un an pendant laquelle on construit le tombeau en pierre et les aloalo, emblèmes de gloire, qui orneront celui-ci. Une fois que le tombeau est construit, on procède enfin aux obsèques. La cérémonie d’Havoria, une grande fête, succède ainsi aux pleurs. Ceci représente le passage de la personne vers le monde des Razana. Les obsèques doivent se faire en respectant la tradition.
Les rites peuvent varier d’une région à l’autre, d’une ethnie à l’autre, mais les significations restent les mêmes. Un mort qui n’a pas été béatifié à travers ces pratiques ne peut donc être un Razana. C’est le cas, par exemple, des personnes portées disparues. Cet être, n’étant pas un Razana, n’assure pas son rôle de protecteur. Il peut ainsi devenir un élément perturbateur, un lolo ou un angatra (fantôme) selon les appellations sur les hautes terres. Pour que cet esprit errant retrouve sa place, on érige ainsi un vatolahy à côté du fasandRazana (le tombeau des ancêtres) qui, selon les croyances, remplace son corps.
Si les vivants assurent ainsi leurs devoirs envers les morts, selon la croyance populaire, ces derniers assureront aussi leur responsabilité. Il est donc de coutume, dans la culture malgache, de demander la bénédiction des ancêtres. C’est seulement si les morts accordent des bénédictions qu’on peut les appeler Razana.
La mort, source d’inspiration artistique :
La mort nous bouleverse. Elle inspire aussi. De par son caractère mystérieux, elle nourrit notre imagination. L’art est le fruit de cette imagination inspirée. Dans toutes les disciplines, la mort fascine et devient l’élément central de la création. Autant la mort nous traque tous les jours, autant la création qu’elle inspire est quotidienne. Mais cette création est très présente aussi lors des funérailles, au moment où la mort nous frappe. Une fois encore, pour mieux affronter cette fatalité, on remémore la vie. C’est le cas, par exemple, du beko et des aloalo. Ces créations et représentations ont pour objet de raconter la vie du défunt pour qu’elle soit gravée dans nos mémoires.
Ainsi, on crée une œuvre inspirée de la mort parce qu’on a peur. On représente la mort dans une œuvre artistique pour mieux l’affronter. On a peur que la mort nous efface. Car, en effet, chaque personne aspire à une vie éternelle. Mais comme l’art est le fruit d’une activité culturelle, qui est aussi un héritage de nos aînées, il nous permet de perpétuer l’existence de nos Razana, en d’autre
Une série de conférences débats est organisée chaque mercredi durant ce mois de mai 2018 à l’is’Art Galerie, dans le but d’appréhender, de comprendre La Mort, le thème du prochain Festival d’Art Urbain organisé par l’Association La Teinturerie – Is’Art Galerie. La Mort dans tous ses états, dans toutes ses facettes, dans toute son obscurité et dans toute sa splendeur y sera débattue avec des chercheurs et artistes tels que Hemerson et Vanga.