La haute ville d’Antananarivo : de la cité des vazimba au patrimoine. (Art.1)

Si l’histoire et le développement de la ville d’Antananarivo ont déjà fait l’objet de plusieurs recherches académiques, cette ville construite au début du XVIIe siècle sous le roi Andrianjaka fascine toujours les adeptes de la culture jusqu’à aujourd’hui. La ville d’Antananarivo se divise en général en trois zones : la ville basse, la ville intermédiaire et la ville haute. Avec le développement et l’extension de cette capitale de Madagascar, les autorités estiment qu’il est important de sauvegarder l’héritage culturel de la ville. Nous allons ainsi consacrer une séries d’articles concernant les valeurs historiques, les valeurs culturelles de cette partie de la ville. Nous allons également à la rencontre des habitants, d’artistes et des chercheurs qui vont nous parler de leur relation avec ce patrimoine. Pour cette première partie donc, nous estimons qu’il est important de décrire les mérites de la ville des milles pour son inscription à la liste des patrimoines de l’humanité de l’Unesco. Le dossier Madagascar est en effet en cours de préparation.

 

Plus précisément, l’Etat malagasy, à travers le Ministère de la culture, du patrimoine et de l’artisanat et ses partenaires, tentent depuis quelques années de le remettre en valeur. Pour cela, ils ont soumis une partie de la haute ville à la liste des patrimoines culturels de l’humanité de l’Unesco. Grâce aux efforts collectifs de ces acteurs, une Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) a pu être sauvegardée. Ce périmètre proposé à l’inscription couvre 80Ha, avec une zone tampon de 170Ha.

Il se caractérise par la concentration sur un espace relativement restreint de biens historiques, culturels et patrimoniaux, qui répondent aux critères d’éligibilité imposés par les Nations Unies pour leur reconnaissance en tant que Valeurs Exceptionnelles. L’authenticité du site repose en effet sur la présence des bâtiments patrimoniaux, héritages et témoins de l’histoire de ce berceau d’une identité de l’Imerina : l’existence d’espaces publics toujours en effervescence ; la diversité des lieux sacrés, qui marquent la diversité culturelle ; la qualité de la construction des voies publiques principalement en pavé.

Cet ensemble confère à ce site urbain une qualité de patrimoine.

Architecture :

Premièrement, les différentes influences asiatiques et européennes sont bien présentes sur les bâtiments. Si le palais de Manjakamiadana est l’élément majeur actuel du paysage, d’autres bâtisses aussi bien que des nouvelles constructions le façonnent. Le choix des matériaux répondait surtout à l’ordre des croyances. Jusqu’en 1867, le bois et le bambou étaient les seuls matériaux autorisés pour la construction. Ils sont considérés comme des matières vivantes, destinées à l’habitation des vivants, contrairement à la pierre, matière froide, destinée aux morts. On peut encore entrevoir quelques rares maisons en bois sur la haute ville, vestiges de cette époque. La maison construite par Jean Laborde. Commis par la reine Ranavalona I pour construire son palais en bois en 1840, Jean Laborde construisit, avec le charpentier Gros, sa maison en bois.

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Les recherches anthropologiques ont déduit qu’à l’origine, l’architecture merina était de forme rectangulaire à grenier axé nord sud, avec l’ouverture principale à l’ouest et une toiture à deux pentes. Un style hérité des austronésiens, ce peuple auquel on associe l’origine de la population des hautes terres malgaches. Ce n’est qu’à la moitié du XIXe siècle que la brique d’argile rouge fait son entrée dans la construction des habitations. Suite à un incendie ravageur dans le quartier d’Ambondrona, la reine Ranavalona II autorisa enfin l’utilisation de ce matériau. En 1867, le temple en pierre taillée d’Ambatonakanga, un grand édifice de ce genre, fut inauguré. L’utilisation des pierres a permis ainsi la construction de grandes bâtisses, surtout des temples. Cette levée des interdits a particulièrement permis à Cameron d’entamer son chantier de revêtement en pierre du palais de la reine, en 1869.

L’ouverture du royaume à l’occident, de Radama I et de tous ses successeurs, a également modelé l’architecture. L’apport des anglais dans l’architecture fut l’étage et l’ouverture vers la véranda de style victorien. Les arcades font leur apparition. Les formes arrondies ont été pourtant tabou sous Andrianampoinimerina. Mais l’influence française est plus remarquable jusqu’à l’élaboration même du plan de la maison, y compris la répartition des pièces. Les anciens piliers en bois deviennent des colonnes travaillées. Le toit en deux pentes, caractéristiques des maisons, prend des formes de plus en plus compliquées, surtout avec l’apparition des cheminées, des tuiles rouges et des combles habitables.

Espace public :

Depuis la création de la cité, dès l’installation d’Andrianjaka, Antananarivo a toujours disposé d’un espace public destiné aux rassemblements populaires et aux manifestations culturelles. Une de ces places se trouve sur la haute ville : la place d’Andohalo. Située à l’intermédiaire de la ville haute et de la ville moyenne, elle se trouve à 1370m d’altitude. Elle était le lieu d’intronisation des souverains aux XVIIIe et XIXe siècles. Andrianampoinimerina y présenta ainsi à la foule Radama I, son prince héritier. Les couronnements des reines de Madagascar, Ranavalona I, Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III, se sont déroulés sur cette place mythique.

Outre les cérémonies officielles, la place d’Andohalo est aussi un centre culturel de la ville haute. Les grands discours du roi Andrianampoinimerina furent prononcés sur cette place. Des représentations de hira gasy s’organisent aussi sur ce jardin. Mais Andohalo abritait également le premier marché du vendredi, avant que celui-ci se déplace à Analakely. Lieu de rencontre, de promenade, des travaux de réaménagement en 2009 ont redonné à cette place une touche de modernité sans trahir son charme d’antan.

Croyance et religion :

Comme toute colline royale de l’Imerina, la partie haute de la ville d’Antananarivo n’échappe pas à la sacralité. Toute activité est régie par un rituel bien défini. La haute ville d’Antananarivo dispose également de sources, d’arbres, de pierres sacrées, dont quelques-unes sont encore vénérées. À l’arrivée du christianisme, la haute ville d’Antananarivo est devenue un lieu de concentration de temples et d’églises.

Chaque mission se ruait pour construire sur cette partie de la ville afin de marquer sa présence. Ainsi, en 1873, l’Eglise catholique romaine a fait construire la cathédrale d’Andohalo. C’était le père Alphonse Taix qui a fait son plan, de style gothique. Inaugurée en 1890, elle remplace la petite église en bois que les missionnaires jésuites, dirigés par le père Finaz, ont construite. Elle se distingue par ses deux clochers de trente mètres. Elle a été classée Monument Historique pendant la première république. Depuis 2009, elle a bénéficié d’un renouvellement de la toiture ainsi que de la réhabilitation de son intérieur.

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Mais la plus remarquable reste aussi l’église protestante d’Anatirova. La première pierre fut posée en juillet 1869 sous le règne de Ranavalona II. Celle-ci affirmait publiquement sa conversion au christianisme. Elle commanda alors à l’architecte anglais William Pool une église en pierres taillées au sud de Manjakamiadana. 11 années étaient nécessaires pour la construction de cet édifice, inauguré par la reine elle-même le 8 avril 1880.

Tout ce mélange donne au paysage architectural de la haute ville d’Antananarivo une identité particulière, qui doit être conservée. Un ensemble qui cohabite harmonieusement avec le paysage constitué d’arbuste, de cressonnières et les arbres  royaux.  Malheureusement, il fait face au aléas du développement de la ville et aux défaillances des travaux de conservation et de rénovation. La durabilité de ces patrimoines culturels est menacée. L’inscription à la liste de l’Unesco permetta ainsi le renforcement des efforts de conservation.

 

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