[Cinéma] Félicité d’Alain Gomis : l’Africaine

Félicité est un film caricatural sur l’Afrique. Félicité est un personnage à l’image des femmes du continent noir. Non pas cette Afrique que les médias occidentaux décrit, c’est plutôt cette Afrique fantasmatique mais tout à fait réaliste.  Le film est raconté sur deux fils de narration : la réalité et son côté mystique, spirituel. Son héroïne séduit. Elle est fière. Elle se bat pour que sa progéniture ne soit pas amputée d’un pied.

Synopsis :

Félicité, libre et fière, est chanteuse le soir dans un bar de Kinshasa. Sa vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d’un accident de moto. Pour le sauver et régler les coûts de l’hôpital, elle se lance dans une course effrénée à travers les rues d’une Kinshasa électrique, un monde de musique et de rêves. Ses chemins croisent ceux de Tabu.

Avec ce film, Alain Gmois, le réalisasteur franco-sénégalais, a remporté l’Etalon d’or du Fespaco 2017, aussi bien que le Grand prix du jury au Berlinale 2017 et le Prix du Jury (Silver Hugo) au Chicago International Film Festival. Le film fait aussi l’objet de plusieurs critiques dues justement à la représentation de l’Afrique, dans certaines scènes du film, qui font appel à un certain imaginaire, et font référence à des aspects culturels propres à l’Afrique.

Une femme, une vie.

Fiche technique de Félicité.

Le film commence par une longue séquence de la vie nocturne d’un Kinshasa brut, où l’alcool et les bagarres règnent. C’est une scène qui ne choque plus les habitués de ce bar, où Félicité chante chaque soir. Pour apaiser l’atmosphère, elle entame le spectacle accompagnée de son groupe. Salute a Kalombo  de Kasaî Allsatars ouvre le bal. La musique enchante et emporte avec elle les querelles. Elle met en place la bonne humeur et la séduction. La voix de Félicité est rauque. Elle raisonne fortement mais la chanteuse ne commet aucune fausse note. Elle est la star de la soirée.

Mère célibataire, Félicité vit dans un deux-pièces comme ces millions d’autres Kinois de la classe moyenne, engloutis dans cette mégalopole africaine. C’est une vie faite d’espoir et de débrouille, où le confort matériel se réduit à un réfrigérateur. En tout, elle mène une vie « normale » jusqu’au jour où elle voit son fils de 14 ans, Samo,  allongé sur un lit d’hôpital suite à un accident de moto. Ce basculement, elle l’affronte avec courage, jusqu’à prendre physiquement des coups pour grappiller les moindres FCFA pour payer les frais d’hospitalisation de son unique enfant.

Cette épreuve de vie la rapproche encore plus de Tabu, le séducteur, l’ivrogne, le poète, voire le coureur de jupons. Celui-ci tente de s’emparer de son cœur et de réparer son réfrigérateur, lui aussi tombé en panne. L’amour et l’humour de cet homme réconfortent et libèrent Félicité.

Une vie enchantée.

Félicité se raconte au rythme de la musique, un élément à part entière dans le film, mais aussi dans la vie de la femme. Elle chante pour faire danser les noctambules. Elle enchaîne les tubes africains pour gagner sa vie. Et même durant les moments les plus durs de sa vie, Félicité chante et danse pour chasser sa souffrance. Cette musique montre la frénésie dans la vie quotidienne. C’est aussi une ode à la musique populaire du Congo, de l’Afrique. C’est une musique aux tons électriques, que son esprit tente de recouvrir d’une autre manière, plus douce.

Les symphonies antiques d’Arvo Part, interprétées par l’orchestre symphonique de Kinshasa, accompagnent cette quête de refuge. La rupture est nette. Elle gène mais interpelle. Cette musique marque les étapes du film. Elle marque le passage de la réalité à l’imaginaire de l’héroïne. Cela est justifié aussi par les plans séquences montrant l’allégresse de ce chœur et des lieux. La musique invite la chanteuse à se calmer, à se purifier. Elle marque son état d’esprit.

Une histoire, une ville.

Alain Gomis a mis en lumière la réalité de la vie en Afrique à travers Félicité, le film aussi bien que la femme. Le choix n’est, en effet, pas anodin vu que la femme africaine est encore absente de l’écran mondial. Il raconte plus que la vie de cette mère célibataire. Son conte ne dissocie pas le quotidien d’une citadine dans une ville, qui se veut moderne, et une réalité où les citoyens sont délaissés entre une police corrompue et une justice populaire. Ils sont aussi délaissés entre un système de santé, où l’argent est le seul gage d’une vie humaine, et un instinct de survie, où l’entraide est souvent motivée par une contrepartie. Il dénonce presque un semblant de développement qu’on n’arrive pas à cacher avec ces ordures et la pauvreté qui jonchent les rues.

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