Musée de la photo de Madagascar : renouer les malgaches avec son histoire

Enfin, le bâtiment qui abrite le Musée de la photographie de Madagascar a ouvert ses portes. Un rêve, nourri par une ambition, vient ainsi de se concrétiser.

Ce rêve, c’était tout d’abord celui de Dr Helihanta Rajaonarison qui, il y a cinq ans, a affirmé son souhait de rassembler les patrimoines photographiques de Madagascar dans un seul endroit.

Cette envie, cette enseignante au département d’Histoire de l’université d’Antananarivo l’avait partagée à ses proches collaborateurs et étudiants, mais également à des personnes de bonne volonté. Au début, elle a eu le soutien de la Direction des Archives nationales qui lui a confié la tâche de classer, documenter et restaurer les archives photographiques que cet établissement a en sa possession. Son chemin a croisé ensuite celui de Cedric Donck, mécène et serial entrepreneur belge natif d’Antsirabe. Leur collaboration a donné ainsi naissance au Musée de la Photographie de Madagascar, un musée virtuel (www.photo-madagascar.com), et surtout à la page facebook éponyme. Le monde entier découvre ainsi la richesse de ce patrimoine. Chaque partage sur la page attise l’engouement du public.

Musée 2.0

Avec ces contributions des institutions qui ont livré des photos, l’ouverture du musée virtuel et de la page facebook a permis à l’équipe de rassembler, numériser et archiver 5000 photographies anciennes datant de 1860 à 1960. Beaucoup de ces clichés proviennent des archives privées que le Musée a collectées auprès de particuliers, malgaches et étrangers et autres organisations.

Parmi eux, il y a des photos rares, voire inédites d’un événement, un lieu ou un personnage historique dont certaines sont méconnues ou ignorées de l’opinion publique.

Suite aux recherches menées par les historiens, et avec la participation de la communauté facebook, qui ont rejoint l’équipe du musée, 2500 clichés ont pu être identifiés et authentifiés. Les initiateurs du projet s’appuient énormément sur cette crowdsourcing qui, à la fois, permet de créer une dimension sociale autour du musée et de dévoiler et raconter l’histoire derrière chaque photo.

Renouer et se réapproprier l’histoire

Ainsi, grâce à la mosaïque, que ces petites histoires ont créée, certaines zones d’ombre dans l’histoire de Madagascar ont pu être éclairées. Un exemple en est ce fameux cliché faussement présenté comme le portrait de la reine Ranavalona I, mais qui est en fait celui de Rabodo. En effet, la reine n’a jamais autorisé qui que ce soit à la prendre en photo par peur de se faire voler son âme. « Il est désolant qu’en 2018, on introduise encore cette photo dans les manuels scolaires avec lesquels on enseigne nos enfants » déplore ainsi Helihanta.

Le musée a donc placé en priorité cette volonté d’exposer aux malgaches l’histoire de leur pays, leur histoire, quitte à réécrire cette histoire.

Pour cela, et « à la demande générale », ces initiateurs du projet ont décidé de trouver un lieu digne de cette ambition nationale pour y implanter un musée physique. C’est ainsi que la Commune Urbaine d’Antananarivo, emballée par l’enthousiasme qui anime l’équipe entourant Helihanta, s’est montrée généreuse et leur a offert un bâtiment.

Des patrimoines dans un patrimoine

Le musée s’installe physique ainsi dans le domaine Résidence des maires. Ce fut un endroit longtemps délaissé dans un état délabré dans le quartier d’Anjohy. La Résidence comprend une maison principale et trois jardins paysagés, destinés à accueillir la famille des maires de la ville des milles. Cet espace de 3000 m², aménagé au 19e siècle, regorge d’histoires. Elle a surtout été connue au temps d’Andriamanjato Richard, premier maire de la ville des milles après l’indépendance de Madagascar, qui s’y est installé avec sa famille durant ses mandats à la tête de la ville entre 1959 à 1977.

Avec le concours de l’Institut des Métiers de la Ville et de la Région Île-de-France, le bâtiment et ses dépendances ont pu être remis en état et surtout adaptés aux normes de sécurité et de viabilité exigées pour accueillir un Musée, sans les dénuder de leur charme architecturale.

Cette Résidence se trouve également dans le périmètre géographique de la Haute Ville d’Antananarivo. Cette partie fait actuellement l’objet de tractation pour son inscription au Patrimoine mondial auprès de l’Unesco. L’instauration de ce Musée de la photographie ne fait ainsi que renforcer le dossier de Madagascar dans ce cadre.

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Centre de découverte et de recherche

Musée de la photo de Madagascar
Musée de la photo de Madagascar

Au Musée d’Anjohy, quatre salles de projection de films sur les patrimoines photographiques sont à la disposition des visiteurs. Ces films courts, narrés en six langues, seront remplacés tous les six mois suivant un thème défini. Pour rester fidèle à la politique de partage, les anciennes productions seront mises en ligne pour une plus large diffusion. Le musée s’engage également à ouvrir ses portes gratuitement aux écoliers un jour par semaine.

La grande salle, qui se situe à l’étage du musée, accueillera les expositions temporaires de photos anciennes. Le musée prête aussi aux photographes contemporains son jardin, baptisé Andriamanjato Richard, pour qu’ils puissent exposer leurs œuvres.

Afin de remplir sa mission de redonner un éclat au patrimoine photographique de la grande île, le Musée de la photographie de Madagascar offre aux chercheurs du monde entier, qui s’intéressent à l’histoire de Madagascar et à sa population, ces ressources gratuitement. En revanche, toute personne qui utilise cette banque de données doit en retour au musée une partie de leur temps pour effectuer les recherches sur les photos non répertoriées.

Selon Helihanta Rajaonarison, instigateur du Musée, cette ouverture du Musée physique n’est que la continuité d’un projet à long terme qu’elle et son équipe vont encore développer. La prochaine étape sera de rassembler les photos illustrant les histoires dans les provinces et régions de tout Madagascar.

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