Poety Rebely : « Ecrire en malgache fait partie de ‘l’esprit rebelle’ »

Elle est la première slameuse à être décorée d’un Chevalier de l’Ordre des Arts, des Lettres et de la Culture à Madagascar. Poety Rebely, Olsenie Rasoanivo dans son Etat Civile, est connue pour ses textes pour la promotion de l’égalité homme-femme. Mais elle a surtout pu dompter sa plume aux dialectes du Sud de Madagascar. Rencontre avec une poète engagée.

Tes textes sont en « dialecte » du sud. Tu peux nous dire exactement, quelle langue régionale tu utilises le plus dans tes textes ?

J’ai grandi à Tuléar, les langues dont j’use dans mes performances sont donc les dialectes qu’on parle dans la région Antsimo-Andrefana.

Est-ce que tu estimes que notre langue, le malgache, est assez riche pour exprimer cette « rébellion » que tu abordes dans tes textes, surtout quand on parle d’égalité ?

Je trouve que notre langue est aussi riche que les autres langues. Il faut juste être assez fort en vocabulaires pour pouvoir exposer ses idées et exprimer ses sentiments. Je ne dis pas que je maîtrise à la perfection la langue malgache, mais je prends le temps de lire le Rakibolana et d’échanger avec les aînés.

Nous, les artistes, nous avons le devoir, je dirais même l’obligation de faire vivre la langue malgache en l’enrichissant avec les parlers des régions et de les faire apprécier à travers nos performances et nos œuvres. C’est un pouvoir que nous avons à notre disposition.

Mais, est-ce que cette volonté de promouvoir les parlers des régions ne fait-elle pas partie de cette rébellion ?

Effectivement, écrire et faire des performances en malgache est un choix pour moi. Car dans mon parcours artistique, mon objectif est de promouvoir l’écriture malgache, porter haut la langue et la culture de mon pays, mais surtout la beauté du dialecte tuléarois.

En 2017, c’est avec mon texte Ampela Zaho, écrit et slamé en dialectes bien de chez nous que j’ai pu devenir championne du tournoi Slam Poésie qui s’est déroulé à Antananarivo, devant un public cosmopolite. J’estime donc que notre langue national et ses parlers régionaux sont riches quand on veut parler de féminisme et de genre. Ce qu’il y a, ce sont les auditeurs, les spectateurs qu’il faut éduquer à les entendre et à les apprécier à leur juste valeur.

Cela fait-il partie de « l’esprit Rebelle »?

Oui, mais je dirais que c’est plus un combat pour la fierté de notre région.

Dans la littérature malgache, on parle souvent des écrivains des hautes terres et c’est pareil dans les autres domaines. Nous, enfants du Sud ambitionnons aussi de laisser nos empreintes dans l’histoire alors autant commencer sur ce qu’on peut faire.

Comment trouves-tu l’évolution linguistique dans l’art surtout l’intégration des parlers des régions dans les œuvres ?

Après 12 ans dans la poésie, je trouve que les parlers des régions ont pu gagner leur place et être approuvés par la communauté.

Auparavant, dans les tournois, se ramener avec des textes en langue de région serait une erreur si on convoitait le trophée, mais ce temps est révolu. J’ai gagné des prix tout en présentant dans mon dialecte et on a vu d’autres qui ont été sacrés champions nationaux avec leurs performances en dialectes régionaux.

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Revenons sur la reconnaissance que tu as reçue dernièrement, qu’est-ce que cela signifie pour toi et pour ton art ?

Le grade de Chevalier de l’Ordre des Arts, des Lettres et de la Culture est un triomphe pour le slam-poésie malgache, en premier lieu. Car nous avons été souvent blâmés par les poètes traditionnels chauvins d’usurpateurs.

C’est aussi une fierté que je dédie à ma ville natale. La persévérance de porter le dialecte tuléarois sur toutes les scènes a donné des bons résultats.

Et enfin, c’est un honneur d’être la première slameuse malgache à avoir reçu cette distinction honorifique de l’Etat. J’ai pu représenter dignement la gent féminine de notre communauté.

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