Cinéma : « Zanaka. Ainsi parlait Félix » réveille la conscience patriotique
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Après le Poulain d’argent d’Yennenga au Fespaco 2019, Zanaka. Ainsi parlait Félix de Lova Nantenaina gagne pour sa première nationale le Zébu d’or aux Rencontre s du film court de Madagascar 2019.
« 72 ans après les faits, il est légitime qu’on en parle enfin » estime Lova Nantenaina en choisissant d’aborder l’insurrection des malgaches contre le pouvoir colonial de 1947 dans son film Zanaka, ainsi parlait Félix. A travers les récits de Félix Robson, un insurgé qui a pris part à cette lutte, ce film est un témoignage poignant qui relate une partie de cette période douloureuse de l’histoire de Madagascar.
Félix est un ancien combattant qui vivait dans la partie sud est de Madagascar, dans la région Sasinàka au moment des faits. Face au traitement esclavagiste mené par les colons que subissaient les malgaches, il décide de rejoindre la résistance sans savoir que parmi ses frères d’arme se trouvaient des « traîtres ». Ainsi, sa troupe et lui n’ont même pas mis leur plan en exécution que voilà, ils étaient déjà en prison. Les jours suivant leur capture, les voici déportés dans le nord de l’île. Leurs sorts sont sellés et l’atrocité de la répression ne fait que commencer.
Un témoignage hors pair
Le film s’ouvre sur une scène de funérailles, celle de Félix. Après le « kabary » (discours) traditionnel, viennent les hommages militaires à cet ancien combattant. Le son du clairon et la présence des militaires nous rappellent que cet homme faisait face aux armes aux côtés des 10 000 autres patriotes pour sa patrie. Mais pour que sa mémoire ne disparaisse pas, le grand père Félix s’est confié au réalisateur.
Avec ce film, Lova Nantenaina nous présente alors Félix qui décrit en détail cette répression sanguinaire. Le grand père se livre alors à un monologue; un récit glacial dans lequel son histoire personnelle et de celle de ses acolytes laissent transparaître l’histoire du pays.
Petit à petit, avec une voix lente et fatiguée, il expose ces histoires depuis de longues minutes. Son témoignage tient les spectateurs en haleine. Sur le plan visuel pourtant, les spectateurs s’étonnent de ne pas voir apparaître à l’écran le visage de ce monsieur. Ils saluent pourtant cet effacement de soi face à l’Histoire d’un peuple qui rend encore plus le film une oeuvre unique. C’est aussi un choix esthétique qui donne encore plus de valeur aux paroles de ce témoin. A la place, le réalisateur a braqué sa caméra sur les travaux d’un dessinateur qui s’adonne minutieusement à dessiner le portrait de Félix.
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Un film bien écrit
La complexité du scénario se base en effet sur une construction narrative en deux lignes qui s’entremêlent pour n’en faire qu’une histoire. D’un côté, on a Félix qui nous retient avec son discours. De l’autre côté, il y a ce dessinateur qui nous esquisse son œuvre. C’est comme si ce jeune dessinateur s’inspirait des phrases de Félix pour tracer chaque trait sur son papier. C’est une belle métaphore venant du réalisateur pour illustrer son intention.
C’est aussi sa manière et celle de sa génération de cinéastes d’appréhender l’histoire du pays, de la retracer dans ses moindre détails mais d’une manière progressive et esthétique. Car ce film n’est pas seulement un devoir de mémoire aux insurgés de 1947, mais il est également une prise de conscience par rapport à la situation actuelle de Madagascar.
Afin d’aboutir à son intention, Lova Nantenaina a usé également d’une autre écriture scénaristique au montage. La juxtaposition des images d’archive et des scènes de la vie actuelle nous livre un anachronisme intriguant. Par exemple, une scène de défilé militaire lors de la célébration de la fête de l’Indépendance évoque la scène initiale mais cette fois-ci, dans une circonstance plus joyeuse, plus libérée.
Cette construction en boucle rappelle que dans cette euphorie de l’Indépendance, nous ne devrions pas encore baisser les armes comme l’a fait le grand père Félix jusqu’à sa mort. Elle démontre aussi que l’histoire est en train de se répéter malgré une indépendance vis-à-vis de la puissance coloniale d’antan.
Si hier, Félix s’était battu contre les Français qui réprimaient les Malgaches avec des fusils, aujourd’hui, l’adversaire vient d’ailleurs et est en train de saccager le pays à coup de bulldozer sans pour autant endiguer la domination culturelle française, symbolisée par la « route la francophonie ». Si hier, les insurgés étaient contre la domination d’un pays, aujourd’hui, la patrie fait face à des entreprises multinationales venues de l’autre bout du monde et qui s’implantent au beau milieu du stade de Mahamasina, là ou les militaires font leur parade.
Dans un magnifique montage son qui prime sur l’image, le réalisateur donne donc le ton.
Dans Zanaka. Ainsi parlait Félix, Lova Nantenaina part vers une démarche cinématographique encore plus engagée et consciente. Sa motivation se base sur l’idée qu’un documentariste est un témoin de son époque tout en prenant de la graine de c’est qui s’est déjà accompli.
Comme Félix, le réalisateur apporte à sa manière sa part à l’édifice dans la construction d’une nation. Leur contribution ne représente pourtant qu’une infime partie de l’Histoire. Tout comme Félix lui avait passé le flambeau en lui confiant son histoire pour qu’elle ne se réduise pas en cendres, comme ce qui se passe souvent avec les mémoires du pays, Lova Nantenaina passe désormais le flambeau en apportant une certaine lumière aux zones d’ombre qui entourent ce passé, dont on peut enfin faire le deuil sans qu’on l’oublie.