Fespaco : les films malgaches reviennent à la course
- Rédaction
- Benoit Ramampy, Culture261, Fespaco, Madagascar
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Le biennal Festival Panafricain du Cinéma d’Ouagadogou 2019 a débuté ce 23 février au Burkina Faso. Pour la 26e fois, l’un des plus grands, si ce n’est le plus connu des festivals d’Afrique, rend hommage aux œuvres et créateurs de films fictions, documentaires et séries TV d’Afrique et sa diaspora. Mais cette édition 2019 marque également le 50e anniversaire de la Fespaco. Une célébration qui marquera à coup sûr l’histoire du cinéma africain depuis la création du festival, en 1969.
Libérer l’écran :
L’initiative de sa création venait en effet des amateurs du cinéma qui ont remarqué la difficulté du public à accéder aux œuvres Africaines. Si en 1969, le Burkina Faso qui s’appelait encore Haute Volta n’avait pas encore de structures dédiées au Cinéma, l’envie d’offrir un écran pour les productions africaines n’empêchait pas François Bassolet et Claude Prieux d’organiser une semaine du cinéma africain, dénommée festival africain d’Ouagadougou, une première dans son genre en Afrique subsaharienne.
Cette première édition du festival d’Ouagadougou se démarquait par son aspect militant. Aucun de ses initiateurs n’était en effet réalisateur, mais ils étaient tous des cinéphiles qui voulaient « décoloniser l’écran ». Le grand cinéaste Ousmane Sembene était pourtant présent pour cette première édition et a en quelque sorte défini les lignes directives du Fespaco. Ainsi, le festival n’est pas qu’un rendez-vous des réalisateurs mais surtout une rencontre entre cinéphiles.
Un esprit que le festival a gardé et qui a impulsé divers changements dans les politiques cinématographiques au Burkina dès 1970 comme la nationalisation des salles afin de pouvoir offrir des films africains au public. Ce phénomène qui s’est répandu en Afrique par la suite. Car s’il y a aussi un caractère qui définit le Fespaco, c’est sa volonté de rassembler les cinéastes et amateurs du cinéma.
Dès sa création en 1969, le festival a aussi été une affaire d’Etat. Le Ministère de la culture burkinabé dont la représentante fût Alimata Salimbéré, devenue première présidente du festival, était présent. C’est en 1972 que le festival s’est transformé en compétition et avait décerné l’Etalon d’Yennenga à Oumarou Ganda pour son œuvre « Le Wazou Polygame ».
Madagascar, primé au Fespaco dès 1973 :
A l’année de création du Fespaco, les cinéastes malgaches ont déjà été nombreux à produire des films de qualité. En 1973, au 4e Fespaco, Benoît Maurice Ramampy a présenté son court métrage « L’Accident », 1972, 29 min. Tourné en 16mm, le film met en scène le l’inégalité économique entre les populations riches et les pauvres d’Antananarivo.
Impliqué dans un accident de circulation, un fils d’un bourgeois tananarivien use des relations et de la fortune de son paternel pour échapper à la réclusion.
« L’accident », malgré sa simplicité, se démarque par son propos qui dénonce la lutte des classes dans une société malgache qui à l’époque venait d’entrer dans l’ère soviétique.
Le talent de Benoît Maurice Ramampy a tout de suite été reconnu à Ouagadougou, ou il reçu le Prix du meilleur court métrage. Une reconnaissance que très peu de cinéastes malgaches de l’ancienne génération ont reçue. Madagascar n’a fait son retour dans le palmarès du festival qu’en 2015 avec la fiction courte « Madama Esther », 2013, 15 min, de Luck Razanajaona, primé Poulain d’argent de Yennenga.
L’offensive malgache en 2019 :
Une ruée de films malgaches vers Ouagadougou est particulièrement observée cette année. Sur les 1000 films reçus cette année, 6 oeuvres malgaches ont pu verrouiller leur place dans la compétition officielle. Ainsi :
- Dans la catégorie fiction court-métrage: « Razana » de Haminiaina Ratovoarivony
- Dans la catégorie court-métrage documentaire: « Zanaka. Ainsi parlait Félix » de Nantenaina Lova
- Documentaire court-métrage: « Déambulation » de Tovoniaina Rasoanaivo
- Dans la catégorie films d’animation: « Tantara » de Tojoniaina Andrianambonisoa
- Animation court-métrage : « Da tsisy da » de Tojoniaina Rajaofetra.
- Documentaire long-métrage : « Fahavalo » de Andriamonta Paes.
Cela démontre que le cinéma malgache, malgré l’éternelle absence de soutien de la part du pouvoir politique, recommence à reprendre le poil de la bête. Un cinéma malgache qui adhère justement à l’esprit du Fespaco de rapprocher le public à son histoire et à son identité.
Pour cette année, le thème choisi pour marquer cette commémoration du 50e anniversaire est « Mémoire et avenir des cinémas africains ». Un thème qui rend hommage aux anciens cinéphiles et cinéastes africains mais qui déroule le tapis rouge aux cinéastes actuels.
Le Fespaco 2019 se tient du 23 février au 2 mars sous l’égide du directeur général du festival, Ardiouma Soma.