L’enfant de l’étranger : le souci du détail

Comment remplir 750 pages ? En truffant un livre de détails. C’est cette question que je me suis posé en tenant entre mes mains le livre – plutôt le gros pavé –  et en lisant les premières pages de ce roman monumental à de multiples égards. Avant de changer de perspectives : ces « petits riens » ont toute leur signification dans la construction narrative et dans l’approche psychologie des protagonistes.

Fresque

L’Enfant de l’Etranger est un roman de Alan Hollinghurst qui a gravé son nom dans la littérature mondiale par le biais de La Piscine-Bibliothèque (Christian Bourgois, 1991). Un récit gravitant autour du monde gay londonien de la fin des années 1980. Depuis, il est considéré comme l’un des auteurs anglais les plus doués de sa génération. L’écrivain a traduit des pièces de Racine dans la langue de Shakespeare. Il a ensuite obtenu le Man Booker Prize pour La Ligne de beauté (Fayard 2005, repris en Livre de poche). Cette réputation est plus que méritée eu égard la qualité de L’Enfant de l’Etranger. Néanmoins, cette œuvre peut diviser. L’auteur nous entraine dans le tourbillon du temps à travers les 750 pages de son roman qui début à la veille de la Première guerre mondiale et qui prend fin près d’un siècle plus tard, en 2008.

Poésie

Dès le début, le décor est planté. Nous sommes en pleine période post-victorienne – dont les relents parsèment le roman – à l’aube de la Première Guerre mondiale dans une demeure familiale à Stanmore, dans le Middlesex. Cecile Valance, un poète en herbe y passe un week-end accompagné par son ami (vraiment intime) et George et de la sœur de celui-ci, Daphné éprise de lui et amatrice de poésie romantique (Avec Cecil, elle sera servie). A l’issu de ces jours mémorables, les trois scelleront un pacte. De ce séjour naitront une amitié et un poème « Deux Arpents » écrit de la main de Cecil Valance. Cette amitié et surtout ce poème traverseront le temps. Cecil Valence est emporté par la guerre en 1916. De lui survivront ses correspondances et cette poésie qui, finalement, est l’héroïne du texte héros de l’histoire est ce texte. « Deux Arpents » est rapidement considéré comme un patrimoine national. Même Winston Churchill le citera. Alan Hollinghurst se questionne aussi sur ce que nous laissons en héritage après notre mort. Chacune des parties composant le livre nous emporte à une période précise : la veille de la Première guerre mondiale, l’entre-deux-guerres, les « sixties » et la veille de la crise des « subprimes ».

Atmosphère et esprit

L’homosexualité est également l’un des axes majeurs de ce roman.

Dans les multiples descriptions faites par l’auteur, on pourrait presque sentir la fragrance de l’herbe humide d’un jardin anglais, le goût tonique du thé servi dans le salon, la décrépitude de certaines de ces châteaux victoriens, etc. Alan Hollinghurst prend (beaucoup) de temps à décrire ces détails et ces conversations parfois intimistes mais profondément ancrés dans la réalité.  A travers ces détails foisonnantsl’atmosphère et l’esprit de l’époque sont retranscrits. Par exemple, après la Première guerre mondiale, durant laquelle le supposé héros du livre meurt au champ, l’on sent une certaine mutation de la société anglaise. L’auteur décrit brillamment également la transition entre les années 60 et l’ère contemporaine, puis la splendeur et la décadence des grandes familles aristocrates. L’homosexualité est également l’un des axes majeurs de ce roman. Elle est évoquée en filigrane au détour de dialogues rondement menés, de scènes descriptives qui ne sont aucunement vulgaires.

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Je conseillerai la lecture de ce roman, pour celui ou celle qui a le temps et qui aime les longues séquences descriptives. Et pour celui ou celle qui la lecture de gros pavés ne rebute pas. D’ailleurs, l’auteur a, à de multiples reprises, avoué qu’il était incapable d’écrire de manière concise. Sinon, pour les autres, L’enfant de l’étranger peut, très rapidement, lasser.

Note : 4/5

Fiche de lecture

L’enfant de l’étranger

Auteur : Alan Hollinghurst traduit de l’anglais par Bernard Turle

Editions : Albin Michel

Nombre de pages : 750 p

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