Lisy Mianjoria de Mossieur Njo, une déclaration d’amour à Antananarivo. (Art. 3)

Si l’histoire et le développement de la ville d’ Antananarivo ont déjà fait l’objet de plusieurs recherches académiques, cette ville construite au début du XVIIe siècle sous le roi Andrianjaka fascine toujours les adeptes de la culture jusqu’à aujourd’hui. La ville d’Antananarivo se divise en général en trois zones : la ville basse, la ville intermédiaire et la ville haute. Avec le développement et l’extension de cette capitale de Madagascar, les autorités estiment qu’il est important de sauvegarder l’héritage culturel de la ville. Nous allons ainsi consacrer une séries d’articles concernant les valeurs historiques, les valeurs culturelles de cette partie de la ville. Nous allons également à la rencontre des habitants, d’artistes et des chercheurs qui vont nous parler de leur relation avec ce patrimoine. Pour cette troisième partie, nous avons rencontré un romancier  amoureux de cette ville pour nous présenter son oeuvre. Le dossier Madagascar est en effet en cours de préparation pour l’inscription de la partie haute de la ville d’Antanaanribo à la liste des patrimoines de l’humanité de l’Unesco. 

Vue de la ville depuis Ambohimanoro.

Antananarivo est une ville capitale, le centre de toutes activités politiques, économiques, sociales et culturelles. Une concentration d’activités qui fait d’elle une ville démographiquement dense. Face à cela, les aménités urbaines ne suffisent plus à satisfaire ni les besoins de cette ville ni les attentes de la population. L’insalubrité de l’air, les difficultés des autorités à ramasser les ordures, les canalisations bouchées affectent de plus en plus le quotidien des habitants. À en croire les titres des journaux, Antananarivo est dans un état chaotique. Mais on y mène aussi un mode de vie de plus en plus moderne. Sa population n’est pas en retard face au développement technologique actuel. La contradiction est indéniable car les précarités sont vécues tous les jours par les tananariviens.

Face à tout cela, beaucoup ont déjà baissé les bras, d’autres, plus optimistes, tentent de méditer sur un autre futur Antananarivo où on vivrait mieux. Mossieur Njo est l’une de ces personnalités qui acceptent mal ce chaos de la ville. La fatalité que certains attribuent actuellement à la capitale pourrait être résolue si tout un chacun s’armait de volonté. Auteur, écrivain et romancier, Njo est avant tout un amoureux d’histoire, celle d’Antananarivo en particulier. Ses recherches et lectures ont fait de lui un amoureux de cette ville.

Avec cette passion et son intérêt pour l’avenir de la ville, et grâce à la connaissance de l’histoire, Mossieur Njo s’est ainsi inspiré de cette ville pour son dernier roman Lisy Mianjoria , ou « Les aventures de Lisy », une autre pierre à l’édifice littéraire malgache.

Ce nouveau roman de Mossieur Njo, paru aux éditions Ranjasoa publishing, est considéré par tous comme le livre de l’année 2016. À sa sortie, beaucoup voulaient l’avoir entre les mains. L’engouement s’explique par son originalité : c’est un récit moderne traité dans un malgache bien approprié à la compréhension. Il est donc premièrement destiné à ceux qui comprennent cette langue. Un défi que l’auteur a su relever face à ces contemporains qui renoncent à l’emploi du malgache. Lisy Mianjoria est aussi une science-fiction. Un autre défi que Mossieur Njo assume parfaitement et qui le distingue des autres auteurs actuels.

Si l’histoire de Lisy excite autant son lecteur, c’est parce que celui-ci se retrouve dans cette aventure. Lisy, une jeune femme qui voyage dans le temps, est revenue à Antananarivo pour sauver la cité d’une fin apocalyptique. À la fois mystérieuse et héroïque, elle entraine Rabe dans son aventure. Celle-ci est pleine de rebondissements, entre rêve et réalité, dont même Lisy ne perçoit la finalité.

Elle a pourtant une vision de ce qu’est le futur d’Antananarivo, son Antananarivo. Une ville où le Rova de Manjakamiadana n’est pas que des murs qu’on tente de sauver pour en faire un patrimoine. Dans l’Antananarivo de Lisy, l’air est doux et pur, le lac Anosy est transparent.

Dans cette péripétie, chacun peut se retrouver dans le personnage de Lisy, ou celui de son complice, Rabe. Ce jeune homme est moderne. Il habite à Ambohimanoro. C’est un citadin qui ne vit que pour le présent, qui a tourné le dos au passé et qui ne se soucie pas de l’avenir. L’histoire fait donc référence aux faits réels, au temps présent, et aux enjeux de nos jours. Les scènes se passent à Antananarivo, dans des espaces que la population fréquente. Selon Njo, « pour raconter une histoire qui se passe à Antananarivo, il est normal et plus pertinent qu’elle débute par la haute ville. »

Le romancier transporte avec aisance son lecteur dans des lieux, des espaces, et le place à une époque, un temps dans le passé. Une aventure qui ne déplait pas aux connaisseurs puisqu’elle se base sur des faits historiques vérifiables. Elle ne déplait pas non plus aux amateurs puisqu’elle apporte des suppléments d’informations dans la compréhension de toute l’histoire.

Le romancier Mossieur Njo

Mais Lisy Mianjoria emmène aussi son lecteur vers un futur imaginaire. Une vision futuriste que l’auteur partage sans l’imposer comme une vérité absolue. « Je ne veux pas prétendre que c’est une vision, ou que c’est la vision. Mais sans vision on ne peut rien faire non plus » affirme Mossieur Njo. Il établit donc une relation entre une époque passée « dépassée », un présent insouciant, un futur qui se veut brillant pour cette ville qu’il aime tant. Il fait ainsi appel à l’histoire, aux bulletins d’information et à la science-fiction dans Lisy Mianjoria.

Le choix de faire appel à Mossieur Njo pour nous raconter sa relation avec cette ville est née après lecture de ce livre. Antananarivo a beaucoup inspiré ce jeune auteur, qui a grandi dans un monde ouvert, qui vit avec la mondialisation, et qui tend vers l’universalité mais reste attaché à ses principes et garde les pieds sur terre. Car Njo ne nie pas les valeurs patrimoniales de la ville, surtout de sa partie haute, mais il se projette aussi vers l’avenir viable de cette cité. Il croit à cette ville, qui garde son histoire et doit pourtant faire face aux changements du futur.

Nous avons alors voulu rencontrer cet auteur. Il nous emmène pour une petite promenade sur les lieux ayant servi de repères à son roman : d’Ambohimanoro à Anosy.

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